Le printemps est là. La forêt se teinte d’un vert tendre qui ravit l’âme. Encore une fois, la terre, notre grosse Maman, nous pardonne tous nos péchés. Elle se vêt de neuf et de fragile devant nos yeux aveugles pour la plupart, malvoyants pour le reste.
J’ai commencé un cycle de textes sur la voix : mes rhapsodies. Je me souviens de cet atelier il y a une dizaine d’années “Vous avez trouvé une lampe. En la frottant un bon génie en sort et vous dit : dis ce que tu veux et tu l’auras, mais une seule fois”. Nous étions quarante et personne n’avait osé prendre la parole, émettre un voeu. Silence. L’animateur avait alors repris” Regardez dans quel état de stupéfaction vous êtes. Même au sein d’un groupe bienveillant et sans aucun enjeu, vous êtes muets sur vos envies”. Alors il avait choisi au hasard un homme face à lui et la ronde avait commencé à tourner dans le sens des aiguilles du temps, glissant de silences en balbutiements. Les premiers voeux étaient des miettes. Ne pas rêver ou si on rêve que ce soit petit et en noir et blanc.
Je redoutais mon passage, comme s’il ce fut agi d’une épreuve douloureuse. La piqure de la vie approchait et mon esprit, pourtant fertile, ressemblait à un champ de coton. Il nous fallut plusieurs tours pour nous échauffer et mettre un peu de couleurs et de perspectives sur nos écrans plats. Au bout d’un moment je finis par dire “Je voudrais créer une école pour la voix”. Une école de chant ? me demanda de préciser l’animateur. “Non, pas spécifiquement, je voudrais prendre soin de la voix des gens” et la ronde se remit à tourner.
Quelle ne fut pas ma surprise, au déjeuner partagé suivant, de me retrouver entourée de quelques compatriotes me demandant pourquoi et comment j’allais créer cette école. Le repas fut joyeux et créatif et plusieurs me firent promettre de les tenir au courant de la suite…
Créer une école n’est pas ma route, je le sais, mais ce jour-là j’ai engrammé quelque part en moi la possibilité d’une ile. Il me restait à tisser les ponts entre ce monde entre-aperçu et ma vie. Ce fut Momig. Surgi des eaux en quelques semaines, cinq ans plus tard et dévoré au creux d’un lit, dans un train à grande vitesse, devant un feu. Et quand je reçois aujourd’hui tous ces témoignages : “Vos livres m’ont donné envie d’écrire… de poser des questions à ma mère….de partir découvrir le pays de mon père….de dire de quoi j’avais besoin….” je sais que c’est bien de la voix dont je m’occupe désormais. De le mienne comme de la vôtre.
En toute liberté.
Pour découvrir mes livres : La trilogie Momig.
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