J’aime ces matins de brouillard blanc d’où je sais que du coton va sortir la lumière.
Quand ? Difficile à dire tant la ouate est épaisse. Mais subtilement on sent le travail des rayons d’un soleil d’hiver hésitant par dessus la couche opaque. J’imagine la joie d’un vieillard à qui l’on vient d’enlever la cataracte : tout à coup, la fenêtre aux vitres sablonneuses s’ouvre et un paysage aux couleurs franches jaillit d’une enfance oubliée.
Avant mes quatre soirées au théâtre de Sèvres, j’avais écrit à ma petite équipe “Je suis fatiguée et confuse. Pouvons-nous démêler cela à la fragile lueur de l’amour ?” Et c’est ce que nous avons fait : trier le bon grain de l’ivraie, nous mettre devant nos peurs et nos besoins de sécurité, distribuer les rôles, ajuster les distances. Rien de grave, juste des trajectoires, des intentions, des fidélités qui parfois s’entremêlent et finissent par faire des nœuds.
Le matin de la Première, une amie qui habite tout en haut d’une montagne chère à mon cœur m’a appelé : “Isabelle, nous emménageons aujourd’hui dans notre petite maison construite de nos mains, pierre après pierre. A 21h nous allumerons une bougie pour toi.” Des larmes me sont montées aux yeux. Ce soir-là, pour la toute toute première fois de ma vie, j’ai joué dans un théâtre, j’ai chanté, joué du piano, partagé mes mots et signé mes livres de mon nom : Momig. Pendant qu’une fragile flamme brillait sur Montségur et agrandissait les murs d’un atelier de filage médiéval.
Et puis il y eut la Deuxième. J’y ai découvert une autre Momig, plus nerveuse, plus à l’aise, plus joyeuse. Devant à nouveau une salle comble, j’ai exploré une autre voie. Je m’éloignais de la conteuse pour oser poser mes pas dans ceux de l’actrice. La mise en scène de mes textes m’a permis à la fois de découvrir d’autres élans derrière mes mots et en même temps de prendre une vraie distance avec mon histoire. Presque comme si je jouais les textes d’une autre. Une autre pourra-t’elle jouer les miens ? Je l’espère.
La Troisième puis la Dernière sont arrivées dans la foulée. Depuis des mois mon calendrier était suspendu à ce 4 décembre. C’était mon Olympia à moi. J’y avais consacré toutes mes forces, toute mon énergie. Je voulais que que ce soit beau et léger. Ce le fut. Je rêvais que ce soit plein et bienveillant. Ce le fut. Ils sont venus, ils étaient là, pour nous, par curiosité, pour accompagner un ami ou pour écouter le son du duduk. En sortant de scène, des visages lumineux aux yeux brillants de joie, de larmes, d’émotion partagée nous attendaient. 1h10 pleine de vent et de douceur, le travail d’une équipe extraordinaire, un public conquis, voilà au bout du ‘conte’ ce qu’aura été l’incroyable aventure du spectacle MOMIG au SEL.
Le temps va faire son office. La graine portée par le vent danse et jubile devant tous ces possibles. Que ce soit pour un géant de la forêt ou pour la frêle paquerette, tout commence de la même façon, avec la même bonne volonté, la même dose de chance, le reste est question d’origine, d’énergie, de temps.
Je ne rame plus, les vents me portent.
Avec toute ma flamme,
Qu'en pensez-vous?