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Je n’ai plus à y penser, juste à le faire!

Ce matin, à 6h36, ma fille a eu 25 ans.
Je me souviens de chaque seconde de ce passage : ce jeune médecin paniqué, le cri de l’infirmière « On la perd », le masque à oxygène plaqué sur mon visage et moi, qui en même temps comprends qu’on parle de moi et n’y prête aucune attention.

Étrange destin que celui des femmes qui meurent en donnant la vie. Comme une porte violemment claquée au nez du bonheur. Continue sans moi, enfant sacré, je t’ai déjà tout donné ou bien m’as-tu tout pris, peu importe…
Et puis le ballet blanc s’agite et te ramène. Finies la suspension, l’insouciance, la légèreté. Te voici à nouveau dans la course, celle qui t’amène jour après jour à nourrir, consoler, rire, pleurer. Celle qui te propose parfois des chemins de traverse insolites après toutes ces naissances que tu as offertes au monde : ta propre renaissance, brodée au petit point de croix sous ta plume alerte et bercée des regards de tous ceux que tu libères ainsi de vieilles mémoires inutiles.

Ce matin j’ouvre un nouveau journal, comme une nouvelle page blanche de ma vie. Je les choisis toujours pareils : format A5 à spirales, couverture noire solide mais non rigide sur laquelle d’élégants messages comme tracés à la craie m’invitent à la question. Ce qui est étonnant c’est que bien que totalement libre dans mon envie ou non d’y écrire mes pensées du jour, je découvre que chacun d’eux aura duré 3 ans. Certains disent que c’est ce que dure l’amour.

Mon premier journal porte le nom bien mérité de Des mots, toujours des mots. Il a nourri en son sein les premiers pas qui m’ont mené à Momig.
C’est au fil des pages du second « C’est la vie » qu’une fois rassemblée, recomposée, reconstituée, j’ai appris à danser.

Ce troisième aujourd’hui me propose un fil conducteur, une injonction plutôt qu’une prière « N’y pensez pas, faites-le ». Je n’ai pas eu le choix, il n’en restait qu’un. Il était pour moi. J’aime son vouvoiement. On imagine le point d’exclamation, l’invitation à oser, l’urgence du présent. Oui il y a urgence, urgence à être Soi, urgence à sauvegarder notre planète, urgence à arrêter les petits arrangements qui mènent tous à des impasses, aussi malin et habile soit-on.

Ce matin la page est blanche et à côté de la pensée pour ma fille, les mots d’une femme viennent se glisser « Merci pour ta présence sur scène, merci pour toutes les émotions que tu nous as données et merci de nous laisser être nous parce que tu es toi, entièrement. ». Les planches du théâtre m’attendent.
Je n’ai plus à y penser, juste à le faire.

Avec toute ma flamme,

1 Réponse
  • Arthur
    août 12, 2018

    Magnifique passage sur l’incertitude de la naissance, son sublime danger! Bravo