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Notre Europe est vivante, ne la tuons pas!

Hier je suis allée à Vézelay.
La basilique Sainte-Marie-Madeleine nous attendait, en majesté, tout en haut de sa colline, visible des kilomètres à la ronde.
C’est d’ici que la troisième Croisade était partie en 1189, bénie par le Pape et constituée de jeunes chevaliers anglais et français désireux d’éprouver leurs armes toutes neuves. Ils devaient retrouver les armées germaniques de Barberousse et passer la Méditerranée aidés par les troupes du roi de Sicile. Ce fut la dernière croisade levée par les peuples d’Europe pour permettre aux Pèlerins du monde entier d’aller se recueillir sur la tombe du Christ. Tout le reste ne fut plus qu’intrigue politique et soif de pouvoir.
C’est aussi ici que sont arrivées en 1946 les quatorze croix transportées à pied par des représentants des pays d’Europe exsangues. L’Allemagne avait été exclue de cette marche qui fut appelée « La Croisade de la Paix ». Que vous dire de la quinzième croix ? C’est celle construite par des prisonniers allemands incarcérés à Vézelay. En voyant passer la colonne, ils ont assemblé à la hâte les poutres d’une maison détruite. Ils l’ont portée, humblement, et l’ont posée auprès des autres. Il est toujours possible de pardonner à qui reconnaît sa faute.

En montant vers la basilique, j’ai vu une petite porte grillagée et une affiche avec des noms aujourd’hui prometteurs : Picasso, Léger, Miro, Calder… Je ne savais encore rien alors sur Christian et Yvonne Zervos.
Quand il avait dix-huit ans, Zervos avait rencontré Badovici, le Grec était devenu l’ami du Roumain, ils logeaient dans le même petit hôtel parisien, l’un poursuivant des études de philosophie à la Sorbonne, l’autre d’architecture. Parce que la France faisait briller leurs yeux, ils firent serment de la servir et d’ouvrir leur porte toute leur vie au vivant, d’où qu’il vienne.
Zervos créa sur ses maigres deniers, une revue « Les Cahiers d’Art ». Sous l’impulsion de sa toute jeune femme rencontrée chez son ami Picasso, il transforma son local d’éditeur en galerie d’Art : les Chagall, Miro, Magritte y trouvèrent, comme leurs créateurs, bien souvent asile, rarement preneurs. Un esthète ne devient pas pour autant marchand, chacun son métier.
Badovici, proche du Corbusier, vint à Vézelay manier son crayon et refaire des maisons selon les critères de sa toute nouvelle revue « L’architecture vivante ». Il y entraîna son ami de toujours et la Goulotte devint rapidement un lieu de vie artistique où toutes les langues d’une Europe élargie avant l’heure se côtoyaient.
Après la guerre durant laquelle il dut se cacher d’une France confuse, le couple Zervos organisa une exposition itinérante et collective d’art moderne dans le palais des Papes en Avignon. Subjugués par le lieu, ils proposèrent à Jean Vilar de venir y jouer ses pièces: ce fut en 1947, la première édition du festival d’Avignon.
Le musée est installé dans la dernière maison de Romain Rolland, grand défenseur, s’il en fut, d’une Europe forte et unie, ami de Zweig et inventeur d’Erasmus.

En quittant tous ces lieux magiques, j’ai remercié le ciel d’avoir la chance d’habiter en Europe, d’y entendre la musique de tant de langues, d’y rencontrer tant de couleurs. Sur le livre d’Or, à côté de mon nom arménien, j’ai écrit : « Merci, j’y veillerai ».

Avec toute ma douceur,

1 Réponse
  • Marie Riffault
    août 31, 2017

    Merci pour la leçon d’histoire. Comme quoi tous les chemins mènent quelque part.
    Bises.

    Marie.

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