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Retirence

Il existe une loi dans le monde. C’est une loi de dépouillement. Certains diront d’allègement, d’autres de renoncement, mais la réalité est bien plus simple, elle parle de dépouillement comme un avant-goût du mot dépouille que nous laisserons in extremis sur la terre, juste après notre dernier souffle.

Moi qui aime tant les mots, j’avais envie de vous proposer retirenceun peu comme un contre-chant de l’enfance. La retirence comme le reflux nécessaire à la vague pour renaitre d’elle-même, comme l’autre partie du tout, le mouvement contraire et donc bienvenu.

Confucius, ce vieux sage qui nous vient d’une Chine déjà bien éveillée, avait 500 ans quand Jésus naquit et déjà il savait que la vie de l’homme était scindée en trois phases :

  • la construction : jusqu’à 25 ans
  • la maturité : de 25 à 50 ans
  • le dépouillement : au-delà de 50 ans

Il est étonnant qu’alors que tout nous porte à croire au temps cyclique (les jours, les marées, les mois, les saisons, les fleurs, les fruits) nous nous soyons imposés un temps linéaire dès notre premier souffle. « Quel âge as-tu ? » est souvent la question que l’on pose étourdiment à un enfant après avoir écouté son prénom. Comme si cette mesure-là était essentielle. Qui ose pourtant encore le demander à un adulte ? L’essentiel est donc bien ailleurs, encore faut-il prendre le temps de le trouver.

La retirence me semble être une activité qui aujourd’hui m’échoit, comme un jour le fut mon enfance. Il est de ma responsabilité de ne pas la saccager, je suis grande maintenant. Nul autre que moi à dénoncer.

Je suis frappée, le mot est juste, par cette vie trépidante qui continue d’animer tant d’entre nous : injoignables, insaisissables, « inarrêtables ». Où courons- nous ainsi ? Quel vide comblons-nous par tant d’agitation ? Pour notre génération, que veut dire avancer sans amasser ? Chaque réponse ne peut être qu’individuelle et à l’aune d’une prise de conscience de tout ce que cette vie trépidante ne nous a pas permis d’explorer. Il est temps pour notre génération X de laisser la place aux jeunes, c’est à eux de se lancer, de construire, de produire. Si nous occupons toutes les places, que leur reste-t-il ? 

Habitués à nos vies de spirales – les avions, les réunions, les décisions – convaincus de notre utilité ainsi et de sa valeur, nous pesons terriblement sur un système qui de lui-même s’essouffle. Pourtant oui nos jeunes nous répondent, mais comme toujours, avec leurs mots : les « Tanguys », la précarité, les changements d’orientation, l’instabilité, l’impatience, l’indécision, l’ailleurs, l’autrement, la souplesse, le partage, l’écologie, l’humain…

Un grand ami chez qui je passais quelques jours et à qui je disais « j’aime bien ce vase », me répondit « Prends-le ». Surprise, je lui demandais pourquoi me faire ce cadeau. « Depuis l’an dernier, j’ai décidé d’alléger. Chaque fois que quelqu’un vient et me dit « j’aime » je donne. Ce n’est pas à toi que je fais un cadeau, c’est à moi ».

Chacun sa façon d’alléger, chacun sa retirence.

Mes grands-mères avaient 45 ans à ma naissance et quand je regarde les photos de mon enfance, je ne vois que peu de ressemblances entre elles et moi aujourd’hui. Pourtant j’ai déjà dix ans de plus qu’elles et je ne suis toujours que mère à un âge où ma mère avait déjà la joie de connaître sa descendance. C’est pourquoi chaque jour, j’aime à me rappeler qu’il est de ma responsabilité d’aider les jeunes à croire en la vie en étant simplement disponible, prête à les écouter, les aider, les soutenir. Pour moi, finis les avions, les réunions, les décisions, la mort, en me frôlant, m’a laissé ce cadeau. C’est toujours difficile d’apprendre à vibrer de choses nouvelles, mais la vie est généreuse. Je crois sincèrement qu’il est possible, à l’aide d’un chapelet de nouveaux mots – renoncement, émerveillement, spontanéité – de trouver dans la retirence encore plus d’élégance que dans l’enfance, après ce long et féroce détour par l’existence.

Il est grand temps d’honorer le cycle et de ne pas bloquer la ligne. Cela me ferait grand plaisir que vous partagiez avec moi ce que vous évoque le mot retirence.

Avec toute ma légèreté,

ma flamme vous accompagne

3 Réponses
  • Suzanne
    août 5, 2017

    Retirence m’évoque de se mettre en retrait, de prendre du recul.
    Il faut être capable d’humilité et de mettre son ego de côté.
    Se mettre en marge et prendre le temps d’observer puis renaître plus conscient(e).
    Le mouvement de recul qui annonce le renouveau, plus conscient à la vie.

    Merci Momig

    • Momig
      août 9, 2017

      Je te lis et je souris à la vie.

  • Marie Riffault
    août 10, 2017

    Quel joli mot !!!
    Retirence me fait penser à Révérence.
    Et Révérence m’amène à Allégeance.
    Quelle jolie promenade que la Flanance sous les couleurs de l’Acceptance.
    Oui il est temps et même grand temps de porter ailleurs nos Diligences.

    Bien sincèrement à toi.

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