Le voleur d’hiver

Étrange hiver que cet hiver sans hiver
Peut-être aurons-nous un printemps sans printemps ?
Comme si la nature nous montrait, pauvres aveugles,
Qu’il fallait commencer à se passer de l’essentiel
Puisqu’on a déjà tout piétiné.

La jonquille gisait au sol, écrasée de bêtise
Sa tige encore solidaire par quelques fibres à sa racine
Portait un bouton fermé comme un poing d’enfant
Obstiné, accusateur, impuissant.

« C’est le voleur Maman, celui qui est venu pendant la nuit
C’est là qu’il a sauté, il n’a pas vu la fleur qui poussait
Protégée par le mur, elle se croyait en sécurité
Elle aussi ».

Le voleur a piétiné, le voleur a percé, le voleur est entré
Messager du mauvais il me rappelle la face de l’envers
« Que m’a-t-on encore volé, se demande la muse
À moi dont l’enfance,

Le soleil a rendez-vous avec la lune

Le soleil brille dans les yeux de la lune
Si menue, si fragile, gracile, suspendue
Elle se cache dans l’ombre
La mère veille sans repère

Le soleil brûle et la féconde
Elle sera pleine, elle sera ronde
D’une promesse de vie
Les voisins me l’ont dit

Une étoile est née, un petit bout de fée
Ses cheveux d’ange tissent les nuages
Un rire de cristal emplit tout l’espace
Mais seule la nuit le sait

La lune a tout donné, elle n’est sure de rien
Du fond de sa nuit, elle s’est dégonflée
Un deux trois, regarde-moi, regarde-moi
Je ferai mieux la prochaine fois

Deux yeux bleus fixent du ciel
Les quais déserts, les trains ratés
Tout est noir mais rien ne dort
Le soleil brille et la lune pleure