La lune rouge nous montre le chemin, à nous d’y danser avec joie.

Cette nuit, le regard tourné vers le ciel de mes montagnes, j’ai vu la lune disparaître.
Une main gantée de noir l’a frôlée et l’a peu à peu dérobée à nos yeux.
Notre grosse dame, pleine de joie et de lumière, s’est éclipsée pour se draper de rouge de la tête aux pieds. Elle voulait mettre sa plus belle robe pour ces si rares soirées où Mars flamboyant lui donne rendez-vous.
Le bal aura duré une centaine de minutes, le plus long du XXIème siècle d’après nos savants. Étranges lois que celles de la gravitation et de l’inertie, qui permettent à quelques érudits de calculer qu’à une date où plus aucun de nos descendants ne se souviendra de plus aucun d’entre nous, le spectacle reprendra.

J’imagine les millions d’hommes répartis sur notre terre, montés sur des collines, des toits et des balcons, attendant l’heure commune, le fameux GMT dont plus personne ne connaît l’histoire, pour être témoins de cet incroyable événement : le soleil, la terre, la lune et Mars parfaitement alignés dans l’univers.
J’imagine aussi les millions d’hommes répartis sur notre terre, qui ne purent empêcher les nuages de jeter un voile sur la scène et de dérober à leurs yeux le spectacle grandeur nature tant attendu. Magie du réel, fragilité de l’instant.

Ce matin les images circulaient librement, faisant fi des frontières et des langues. La lune rouge au-dessus des pyramides, jouant avec Topkapi, éclairant de ses couleurs du couchant la moitié est du monde. À Naples, la statue de Dante semblait tenir l’astre au creux de sa paume, comme s’il se fut agi de sa muse Béatrice.

Longtemps la lune fut le guide naturel des femmes : elle nous réglait tout autant qu’elle promenait les océans d’un bout à l’autre de notre planète bleue. Si les marées lui sont restées fidèles nous avons, quant à nous, oublié notre serment. Lesquelles d’entre nous pensent seulement à lever chaque soir les yeux vers l’astre brillant ?

Les taoïstes appellent « les femme de la lune rouge », les femmes qui ovulent en nouvelle lune et ont leurs règles en pleine lune. C’est le cycle inversé de celui de la procréation. C’est le cycle de la femme sage, celui durant lequel les femmes sont invitées à utiliser leur énergie sexuelle non pour la reproduction mais pour la croissance spirituelle du monde. Quelque soit leur âge.

Hier la lune et Mars ont ouvert le bal. À nous de continuer à danser.

Avec toute ma joie,