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Et je voudrais, si tu le permets, déjeuner en paix…

J’ai tourné hier un bouton et dans mon salon, au milieu des mots et de la musique qui y flottaient encore, j’ai reçu les Nouvelles qu’une tour de contrôle invisible avait choisi pour nous, les millions d’anonymes, en ce tout début d’année neuve, de diffuser : des monnaies de singe, des bombes, des femmes perdues, des fous aux manettes et des océans de ciels pleins de vide, Un monde entrait chez moi sans la moindre nuance de rose ou de vert.

“Hors de chez moi! ai-je crié, hors de chez moi onde malfaisante et noire. Je ne chercherai pas à te convaincre que le monde est ceci ou cela, il est, tout simplement depuis la nuit des temps, de toutes les couleurs. Je ne chercherai pas à te faire changer, j’y ai déjà usé plusieurs vies.
Debout sur des barricades, j’ai porté des étendards et des convictions à pleins poumons.

L’automne, dans le Sud…

Longue semaine pleine d’un vide intérieur. Je me croyais cette fois-ci à l’abri de telles sensations mais ma météo en creux de ces derniers temps me prouve le contraire.

Je suis épuisée, comme je le fus après Momig et après Le ventre et la plume.
À l’arrivée de chaque livre, j’ai l’impression pendant quelques temps que je ne pourrai plus ajouter une seule ligne, un seul mot, que je ne pourrai plus jamais écrire.
J’accepte cette idée aujourd’hui car elle est vraie. Elle fixe ce moment précis de l’après, elle matérialise que quelque chose de concret est arrivé : la naissance de Que ma voix demeure.
Le blues du post-partum littéraire est à nouveau là et il prend d’autant plus de place que la lumière s’enfuit à tire d’aile.

Les jours s’égrènent comme les perles d’un collier sans fin : je les vois souvent blanches mais certaines sont grises et quelques noires me rappellent les jours sombres que la vie nous réserve parfois.

Que ma voix demeure est arrivé ce matin. Je vous le confie.

« Je dois écrire pour me taire à jamais. Il est temps pour moi de déposer, comme des armes à vos pieds, les mots sur le papier. Je vous les laisse, ils sont à vous…»
Ainsi commence Que ma voix demeure, le troisième et dernier volet de ma trilogie. Je vous le confie.

Je l’avoue, j’ouvre encore une fois la poésie. Elle semble parfois n’avoir aucune limite et je ne cherche pas à résister. Elle poursuit constamment son chemin en moi. Plus loin, plus profond, plus haut. Elle m’emmène avec elle, gracieuse, en quête de cet inconnu pour lequel, tous je crois, nous vibrons.

Que ma voix demeure est ma réponse au silence, au deuil et à l’oubli.
Que ma voix demeure est un chant d’amour, une déclaration d’existence, un hymne à la vie.
Que ma voix demeure déroule au vif de ma plume la route qui mène d’une enfance catholique à une maternité juive,

Ce jour-là, près de la source, Dieu sait ce que tu m’as dit.

La semaine dernière, à l’occasion d’une représentation théâtrale de rue, nous devions -si possible- jouer avec le public. Quelques questions de mon texte étant simples, je me hasardais à les poser avec la légèreté d’une abeille sur des fleurs :
« Quel âge avez-vous ? », l’homme, surpris, ne me répondit pas.
– Que préférez-vous chez une femme ? », m’adressant à une spectatrice. À nouveau le silence. Chez un homme ? J’insistais donc, j’entrevis la panique dans son regard.
– Quels sont vos héros de la réalité préférés ? Et l’enfant que je regardais me répondit aussitôt: Mon père!.
« Mon père » est arrivé sur notre scène avec une telle puissance que je n’eus plus qu’à accueillir tout ce qu’il offrait : notre décor de carton-pâte prit soudain des allures d’Odéon, notre maigre chant devint un hymne d’amour filial et nos personnages de bois se teintèrent de chair et de sang.

“L’enfant qui”, l’enfant qui quoi ?

« L’enfant qui » est le livre, publié cette année, d’une femme que je ne connais pas mais dont l’écriture est depuis « Les Demeurées» entrée dans ma bibliothèque ou plutôt dans les pépites que je recommande, prête, perd, retrouve, aime. Elle s’appelle Jeanne, Jeanne Benameur, si le mot sororité a un sens, alors c’est ici que j’ai envie de l’employer : Jeanne, je me sens en sororité avec vous.

J’ai trouvé « L’enfant qui » par hasard. Parfois, au milieu de tout ce rose qu’on nous propose, il y a quelque chose entre le gris et le bleu qui attire notre regard. Ce fut le cas ce jour-là. Difficile de dire pourquoi, un peu comme certains dirigent naturellement leurs pas vers les coins à champignons, j’ai depuis toujours cet instinct des livres-merveilles. À la différence des cueilleurs, je les partage ensuite avec allégresse : et qu’y a t-il de plus éternellement abondant qu’un livre qui serpente entre les hommes en leur ouvrant les yeux?

J’aime, j’aime pas…lire!

Quand on joue à « j’aime-j’aime pas » avec des enfants, on est fixé très vite.
D’instinct ils savent ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas, voire même ceux qu’ils aiment et ceux qu’ils n’aiment pas. Jouer au même jeu avec un groupe d’adultes est une autre aventure durant laquelle le silence pèse comme un couvercle.

Devant une petite classe de CM1 où j’avais été invitée à parler de mon nouveau métier d’écrivaine, j’ai demandé : « Qui aime lire ? ». Des doigts se sont spontanément levés, séparant la classe en deux groupes, sous l’œil étonné de l’instituteur. Au groupe « j’aime pas lire » j’ai demandé qui aimait les BD ? Qui aimait faire une nouvelle recette de gâteau au chocolat ? Qui aimait écouter une histoire ? Et bien vite tous les enfants se sont naturellement retrouvés ensemble dans le groupe « j’aime lire ».